CHAPITRE SEPT – LA LUMIERE

Car Dieu, qui a dit: « Que la lumière brille dans les ténèbres! » nous a fait comprendre que cette lumière est la splendeur de la gloire de Dieu qui est manifesté sur la face de Jésus.
2 Corinthiens 4 :6 (Traduit de la « New Living Translation »)

Quand j’ai levé mes yeux, je pouvais voir que j’étais en train d’être attiré vers une grande ouverture ronde bien loin au-dessus de moi. Je n’avais pas trop envie de regarder en arrière au cas où je retombe dans les ténèbres. J’étais très heureux d’être sorti de ces ténèbres.

Une fois dans le tunnel, je voyais que la source de la lumière émanait du fond du tunnel. Elle avait l’air incroyablement brillant, comme si elle était le centre de l’univers. Elle semblait être littéralement la source de toute puissance, de toute lumière. Elle brillait plus fort que le soleil, était plus rayonnante que n’importe quel bijou, ou diamant, plus resplendissante qu’aucun faisceau laser. Pourtant on pouvait la regarder droit au milieu. En la regardant, j’étais littéralement attiré vers elle, comme un papillon de nuit est attiré vers une flamme. Je me sentais aspiré au travers de l’air à une vitesse incroyable vers le bout du tunnel.

Pendant ce passage dans l’air, je voyais une série d’ondes de lumière d’une intensité plus dense émaner de la source et commencer à descendre le tunnel vers moi. La première onde de lumière a émis une chaleur et un confort étonnants. C’était comme si la lumière n’était pas seulement de nature physique mais était une « lumière vivante » qui émettait une émotion. A mi-chemin, une deuxième onde de lumière m’a rencontré. Cette lumière a émis une paix totale. Ça faisait des années que je cherchais la « paix d’esprit », mais je ne l’avais trouvé qu’à des moments fugaces.

A l’école j’avais parcouru les livres depuis Keats jusqu’à Shakespeare afin de trouver la « paix d’esprit ». J’avais essayé de l’alcool, j’avais essayé l’éducation, j’avais essayé le sport, j’avais essayé des relations avec des femmes, j’avais essayé la drogue, j’avais tout essayé afin de découvrir la paix et le contentement dans ma vie, et je ne l’avais jamais trouvé. Maintenant, de la couronne de ma tête jusqu’aux plantes de mes pieds, je me trouvais en état de paix totale.

Ma prochaine pensée était « Je me demande comment est mon corps. » Dans les ténèbres je ne pouvais pas voir mes mains devant mon visage. J’ai pensé « Je dois être capable de voir clair maintenant que je me trouve dans cette lumière. » Alors j’a regardé ma main droite, et là, à mon étonnement, il y avait mon bras et ma main, mais je pouvais regarder à travers d’eux. J’étais transparent comme un esprit, seulement mon corps était rempli de la même lumière qui brillait sur moi du bout du tunnel. C’était comme si j’étais rempli de lumière. La troisième vague près du bout du tunnel était la joie totale. C’était tellement épatant, et je savais que ce que j’allais voir allait être l’expérience la plus impressionnante de toute ma vie.

Je ne pouvais même pas concevoir où j’allais, et mes mots ne pouvaient pas communiquer ce que j’ai vu. Je suis sorti du bout du tunnel et il semblait que je me tenais droit devant la source de toute la lumière et de toute la puissance. Cette lumière incroyable remplissait totalement ma vision.

Immédiatement j’ai cru que c’était une aura. Puis la gloire. J’avais vu des images de Jésus, son visage entouré par une auréole minuscule ou une petite lueur. Pourtant Jésus-Christ est mort, ressuscité d’entre les morts et est monté au ciel, où il est assis à la droite du Père. Là Il est glorifié, entouré de lumière et en Lui il n’y a pas de ténèbres. Il est le Roi de Gloire, le Prince de Paix, le Seigneur des Seigneurs et le Roi des Rois.

J’ai vu ce que je crois être la gloire du Seigneur. Dans l’Ancien Testament, Moïse est monté sur le Mont Sinaï pour 40 jours et il a vu la gloire du Seigneur. Quand il est descendu, son visage rayonnait. Le visage de Moïse rayonnait avec la gloire du Seigneur, et il devait porter une voile, afin que le peuple ne soit pas effrayé. Il avait vu la lumière de Dieu. De la même manière, Paul avait été aveuglé sur la route de Damas par une lumière glorieuse, qui était en effet la gloire de Jésus. Et voici que je me tenais là et que je voyais cette lumière et cette gloire incroyables.

Pendant que je me tenais là, des questions commençaient à envahir mon cœur : « Ceci, c’est juste une force, comme en parlent les Bouddhistes, ou c’est le karma, ou le « yin et yang »? Ceci, c’est juste une puissance innée ou une source énergétique, ou ça se peut qu’il y ait vraiment quelqu’un que se tient là au milieu? »

Pendant que j’étais toujours occupé par ces pensées, une voix me parla depuis le centre de la lumière. La voix me disait: « Ian, Veux-tu retourner ? » Je tremblais de surprise en découvrant qu’il y avait effectivement quelqu’un au centre de cette lumière et que cette personne connaissait mon nom. Et puis je me suis dit : « Retourner, retourner – mais où? Où suis-je? » En regardant vite derrière moi je voyais le tunnel disparaître dans les ténèbres. Je croyais que j’étais dans mon lit à l’hôpital en train de rêver, et j’ai fermé mes yeux. « Est-ce réel tout ceci ? Est-ce réellement moi, Ian, qui me tient ici, toujours vivant? Est-ce que c’est vrai? » Puis le Seigneur a parlé encore une fois. « Tu veux retourner ? » J’ai répondu : « Si je suis hors de mon corps, je ne sais ni où je suis, je voudrais retourner. » La réponse était : « Si tu veux retourner, Ian, tu dois voir dans une nouvelle lumière. »

Le moment où j’ai entendu les mots « voir d’une nouvelle lumière », quelque chose a fait tilt. Je me suis rappelé d’avoir reçu une carte de Noël sur laquelle était écrit : « Jésus est la lumière du monde » et « Dieu est lumière et en Lui il n’y a pas de ténèbres. » Je venais de sortir des ténèbres, et il n’y avait certainement pas de ténèbres ici.

CHAPITRE SIX – LES TENEBRES

La lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises.
Jean 3 :19 (Louis Segond)
Beaucoup … seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents.
Matthieu 8 :12 (Louis Segond, adapté)

Je savais qu’il y a eu une libération. La lutte pour rester en vie semblait être finie. Personne ne m’avait dit ce qui s’était passé, personne n’a dit : « Fils, tu viens de mourir. » Je ne savais pas ça. Tout ce que je savais, c’était que la bataille pour garder les yeux ouverts et pour rester en vie était finie.Je savais que j’étais allé quelque part. Ce n’était pas comme quand tu fermes les yeux et tu t’endors. Je savais que j’étais vraiment parti quelque part. En tout cas, pendant les 20 dernières minutes que j’avais passées à l’hôpital, j’avais eu parfois le sentiment de partir en flottant. Mais, je m’étais accroché à mon corps de toutes mes forces, en essayant de ne pas aller nulle part. Et pourtant, quand j’avais fermé les yeux, je n’étais pas en état de flotter. J’étais parti.

La Bible dit en Ecclésiaste, que quand un homme meurt, son esprit retourne à Dieu qui l’a donné, et son corps retourne à la poussière d’où il est venu. Eh bien, je savais que j’avais quitté mon corps et que j’étais allé quelque part, et pourtant je ne savais pas que j’étais mort. Il me semblait que j’étais arrivé dans un lieu immense et large, comme un vide de ténèbres épaisses. Je sentais que j’étais debout. C’était comme si je m’étais réveillé d’un cauchemar dans la maison chez quelqu’un d’autre et je me demandais où les autres étaient partis. Je regardais autour de moi en essayant de m’orienter dans ce nouvel environnement. Tu ne t’es jamais réveillé en plein milieu de la nuit et tu essaies de trouver l’interrupteur pour mettre la lumière ? Eh bien, j’essayais de trouver l’interrupteur, et je ne pouvais pas le trouver. J’essayais de toucher quelque chose, et je tournais partout, mais il n’y avait rien. Je ne me cognais même pas en tâtonnant. Je ne voyais même pas ma main devant mes yeux. J’ai levé ma main pour voir combien je pouvais voir. Je l’ai levée jusqu’où se trouvait mon visage, et elle est passée au travers de là où mon visage devait être. C’était une expérience terrifiante.

Je savais sur-le-champ que moi, Ian McCormack, j’étais debout, sans corps. J’avais la sensation et le sentiment d’avoir un corps, mais je n’avais rien de physique avec lequel je pouvais le toucher.

J’étais un être spirituel, et mon corps physique était mort, mais j’étais très bien vivant, et très conscient que j’avais des bras, des jambes et une tête, que je ne pouvais plus toucher. Dieu est esprit, un être invisible, spirituel, et nous sommes créés à son image.

Je pensais dans mon cœur : « Mais où est-ce que je suis ?» Et là dans les ténèbres, je sentais un froid et une peur les plus terribles commencer à venir en moi. Peut-être as-tu descendu une rue désolée la nuit, ou en rentrant chez toi, tu as eu l’impression que quelqu’un te regarde. Tu connais ce sentiment-là ? Tu as l’impression qu’il y a quelqu’un qui te regarde dans l’obscurité, mais tu ne peux pas voir qui c’est. Je commençais à sentir le mal dans cette obscurité.

Les ténèbres me semblaient non seulement physiques mais spirituelles. Je sentais comme si quelqu’un m’observait dans l’obscurité. Le mal et le froid semblaient envahir et pénétrer mon environnement. Tout doucement je me suis rendu compte de la présence d’autres personnes autour de moi, dans la même situation que moi. Sans que je dise un mot à haute voix, ils ont répondu à mes pensées. Des ténèbres j’ai entendu des voix me hurler : « Tais-toi ! » « Tu mérites d’être ici ! » J’ai pensé : « Je suis en enfer. Ça pourrait être réel en fait, mais comment ça se fait que je sois arrivé ici ? » J’étais terrifié – j’avais peur de bouger ou de respirer ou de parler. En y réfléchissant, j’ai pensé : « Ouais ! J’aurais pu mériter ce lieu. »

Le gens ont parfois cette image de l’enfer, que c’est un temps de fête et d’immense plaisir… Moi aussi, je pensais comme ça … Je pensais qu’on allait faire toutes les choses qu’on nous interdit de faire sur la terre. C’est de la connerie ! Ça, ce n’est que des bêtises. L’endroit où je me trouvais était le lieu le plus effrayant que j’aie jamais expérimenté. Les gens qui se trouvaient là ne pouvaient rien faire de ce que leurs cœurs méchants avaient envie de faire. Ils ne pouvaient rien faire. Et il n’y a pas de chantage. A qui pourrais-tu te vanter ? « Ah oui, moi, j’ai violé, j’ai tué, j’ai rapiné, j’ai pillé. » Eh ben, génial, mon ami ! On n’a rien à se dire là-bas, rien du tout. Et ils savent que le jugement vient.

Il n’y a pas de relation avec le temps dans ce lieu. Les gens là bas ne savent pas dire quelle heure il est. Ils ne savent pas si ça fait dix minutes, dix ans ou 10 000 ans qu’ils sont là. Ils n’ont pas de relation avec le temps. C’était un lieu effrayant. La Bible dit qu’il y a deux royaumes, le Royaume des Ténèbres, qui est dominé par Satan, et le Royaume de la Lumière. Le livre de Jude dit que le lieu des ténèbres était préparé en effet pour les anges qui avaient désobéi à Dieu, et pas pour les gens, jamais pour eux. Et c’était l’endroit le plus apeurant et effrayant et terrifiant que j’aie jamais connu. Je ne souhaiterais ni espérerais jamais que mon même mon pire ennemi puisse aller en enfer.

Je n’avais aucune idée comment sortir de ce lieu. Comment peux-tu sortir jamais de l’enfer ? Mais j’avais déjà prié et je me demandais justement pourquoi j’y étais allé, parce que j’avais prié avant de mourir et j’avais demandé à Dieu de me pardonner mes péchés. Je pleurais et je criais littéralement à Dieu : « Pourquoi suis-je ici ? Je t’ai demandé pardon. Pourquoi suis-je ici ? J’ai tourné mon cœur vers toi. Pourquoi suis-je ici ? » Le seul droit que j’avais de partir, c’était parce que je m’étais repenti avant de mourir. C’est trop tard si tu attends de te repentir une fois que tu arrives là-bas. Tu ne peux te repentir qu’avant la mort. Tu ne peux pas prier pour te faire sortir de l’enfer et il n’y a personne sur la terre qui peut prier afin de te sortir de l’enfer, personne. Il faut que ce soit toi qui pries. La Bible enseigne qu’il n’y a personne qui peut prier afin que des âmes mortes et parties puissent quitter l’enfer. Elles doivent se repentir avant la mort.

Et soudain une lumière éclatante a brillé sur moi et m’a littéralement retiré des ténèbres. La Bible dit qu’une grande lumière a brillé dans les ténèbres, sur ceux (et celles) qui marchaient dans l’ombre de la mort et des ténèbres, et a dirigé leurs pieds vers les chemins de la justice. (Note de l’éditeur : référence en Esaïe 9 :2 – « Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre de la mort Une lumière resplendit ») Pendant que je me tenais là, un étonnant rayon de lumière a percé les ténèbres d’au-dessus de moi et a brillé sur mon visage. Cette lumière a commencé à m’envelopper et j’ai senti une sensation d’impesanteur qui m’a submergé. Ensuite je me sentais décoller du sol et j’ai commencé à monter vers cette brillante lumière blanche.

CHAPITRE CINQ – LA LIBERATION FINALE

Entrez par la porte étroite.
Car large est la porte,
spacieux est le chemin qui mènent à la perdition,
et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie,
Et il y en a peu qui les trouvent. Matthieu 7:13,14 (Louis Segond)

Finalement nous sommes arrivés à l’hôpital. Le chauffeur de l’ambulance m’a levé et m’a placé sur une chaise roulante qu’il a poussé en vitesse aux urgences. Quelqu’un a pris ma tension artérielle.

Tout le temps que j’étais assis là, je fixais mes yeux sur l’infirmière. Elle a regardé son instrument, et puis elle a tapé dessus. J’ai pensé : « C’est quoi comme hôpital, ici?» C’était un vieil hôpital militaire de la Deuxième Guerre Mondiale. Les Britanniques l’avaient abandonné et l’avaient donné aux Créoles. Il avait toujours l’air d’avoir été construit en 1945. Il était tout sale et croulant et pourtant c’était là où je me trouvais.

Ian devant l’hôpital en 1994

L’infirmière a tapé sur l’instrument de nouveau. J’ai commencé à penser : « Ce n’est pas la machine qui ne fonctionne pas, c’est mon cœur. Il ne pompe plus.» Elle a jeté l’instrument et est allée fouiller dans un placard, afin d’en trouver un autre, qui avait l’air plus neuf. Elle en a sorti un, qu’elle a ouvert et placé sur mon bras. Puis elle l’a ouvert et a commencé à pomper. Je pouvais voir que malgré ses actions, l’instrument n’enregistrait pas beaucoup. Elle m’a regardé, moi, et puis la machine. J’avais les yeux ouverts, mais je savais qu’elle était en train de se demander pourquoi ils étaient ouverts. Avec une tension artérielle aussi basse, on ne devrait pas avoir les yeux ouverts. Je m’accrochais désespérément à la vie. Je m’y accrochais de toutes mes forces. Je ne voulais aller nulle part. Je voulais rester dans mon corps. Je ne voulais pas mourir. Je me battais de toute ma force pour rester en vie.

Alors, le chauffeur d’ambulance, tenant compte de la gravité de la situation, a arraché l’instrument de mon bras, et m’a poussé vite vers les médecins. Deux docteurs indiens étaient assis là, tous les deux à moitié endormis, les têtes basses. « Comment vous appelez-vous, où habitez-vous? » m’a demandé l’un des deux en français. « Quel âge avez-vous?» C’était un jeune médecin, et il ne m’avait même pas regardé. J’ai tourné mes yeux vers le médecin plus âgé. Il avait quelques cheveux gris, et j’ai pensé : « Celui-ci est ici depuis quelques années. Peut-être lui a une idée pour m’aider. » Alors j’attendais. Le jeune médecin avait arrêté de parler et a levé les yeux. Je ne prenais même pas la peine de le regarder, mais j’attendais à ce que le vieux lève la tête. Il a levé ses yeux. Je n’étais pas sûr si j’avais assez de force pour parler. En le regardant droit dans les yeux, je l’ai percé d’un regard le plus profond que je pouvais. J’ai chuchoté : « Je suis en train de mourir. J’ai besoin d’anti-toxines tout de suite.» Il n’a pas bougé. Je ne l’ai pas quitté de mes yeux. Il était en train de me fixer du même regard.

L’infirmière est entrée avec une feuille de papier à la main. Le médecin plus âgé a regardé le papier, puis moi et puis il a sauté. Je pouvais le voir froisser le papier d’un air dégoûté, comme s’il voulait dire au médecin plus jeune: « Idiot, pourquoi n’as-tu pas regardé ce jeune homme? » Il s’est levé en sautant et, repoussant le chauffeur de l’ambulance, il s’est emparé de la chaise roulante lui-même et a commencé à me pousser à toute vitesse le long du couloir. J’entendais une sorte de bruit emmitouflé. Je l’entendais hurler quelque chose, mais pour moi c’était emmitouflé.

Le médecin est entré en courant dans une salle où il y avait des bouteilles et de l’équipement médical. Une minute après, j’étais entouré d’infirmières, de médecins et d’assistants. Enfin ça bougeait. Une infirmière a tourné mon bras afin d’y insérer une perfusion alimentaire. Le médecin s’est approché de moi et m’a dit : « Je ne sais pas si tu m’entends, fiston, mais on va essayer de te sauver la vie. Garde tes yeux ouverts… Allez, fiston, bats-toi contre le poison. Essaie de rester éveillé. Ça va aller, on essaie de te donner du dextrose contre la déshydratation. » Une infirmière a injecté une seringue d’un côté et une autre infirmière, qui se tenait de l’autre côté, m’a piqué aussi. Je ne pouvais rien sentir, mais je les voyais en train de le faire. Le médecin disait : « Des anti-toxines pour combattre le poison » dans son meilleur ‘Oxford Engliche’. Une autre infirmière était agenouillée à mes pieds, en me tapant sur la main aussi fort qu’elle pouvait. Je pensais : « Qu’est-ce qu’elle fait? » Mais ce qui m’importait était que la piqûre arrive à l’intérieur!

Derrière moi une infirmière était en train de remplir une immense seringue, telle une seringue pour un cheval. Elle forçait l’air d’en sortir. Elle essayait de l’enfoncer dans mon bras, mais aucune veine ne se présentait. Alors en levant la peau, elle a enfoncé l’aiguille et a commencé à injecter le liquide. Il a rempli ma veine comme un petit ballon. Je pouvais voir à quel point l’infirmière était nerveuse, parce que l’aiguille qui était dans ma veine semblait trembler tellement qu’elle risquait de déchirer ma veine et de l’ouvrir complètement.

Elle a laissé cette aiguille dans mon bras, et quelqu’un lui a passé une deuxième. De nouveau, celle-là a gonflé la veine. L’infirmière a regardé le médecin et lui a demandé : “Encore une?” Le médecin a fait “oui” de sa tête. Alors, elle en a essayé une autre. Une deuxième infirmière essayait de faire entrer le liquide en massant la veine, qui roulait tout simplement. En effet la veine roulait sous son pouce. Elle n’arrivait pas à faire entrer l’anti-toxine dans le sang. Ça ne bougeait pas. Il était évident que mon coeur ne pompait pas assez de sang. Mes veines étaient en train de s’effondrer. Ayant fait la science vétérinaire dans mes études, j’avais étudié et compris les bases de la physiologie et de l’anatomie. Je pouvais comprendre ce qui se passait, mais je ne pouvais rien faire. J’avais compris que j’entrais dans un état comateux. J’étais totalement paralysé. Mon coeur arrivait au point où il ne fonctionnait plus. Je me sentais en train de m’éloigner de plus en plus. Je ne pouvais plus communiquer, je ne pouvais rien dire, mais j’entendais toujours tout ce qu’on disait de moi autour de moi.

Je n’avais aucune idée que ce qui m’avait piqué était une méduse de la classe des cuboméduses, ou une ‘guêpe de mer’, porteuse du deuxième type de venin connu comme le plus mortel pour l’homme.

A Darwin seulement, jusqu’à 60 personnes sont décédées ces 20 dernières années juste après avoir été piquées une seule fois. Ainsi, pendant une période de 6 mois durant l’année, on met une tête de mort aux plages de Darwin, afin d’empêcher les baigneurs d’entrer dans l’eau pour nager.

J’avais assez de toxines dans mon corps pour me tuer cinq fois. Normalement, une personne meurt dans les quinze minutes après la première piqûre. Je ne l’avais pas seulement sur un muscle. Le poison circulait partout dans mes veines. Le médecin m’a regardé droit dans les yeux en disant : « N’aie pas peur. » J’ai pensé : « Mon ami, vous êtes plus effrayé que moi.» Je pouvais voir la paranoïa dans ses yeux. On m’avait élevé et placé sur un lit avec ma perfusion. Le médecin se tenait à mes côtés, en m’essuyant avec une éponge, mais il m’a quitté après quelques minutes.

Pendant que je me reposais là, je sentais la transpiration couler dans mes yeux, et cela a commencé à rendre ma vision floue. C’était comme si j’avais des larmes aux yeux.

« Je dois garder mes yeux ouverts, » continuais-je à me dire. J’ai essayé de faire revenir le médecin pour qu’il me nettoie le visage, par la force de ma volonté, mais il n’est pas revenu. J’ai essayé de parler : « Docteur, revenez … », mais mes lèvres ne voulaient pas bouger. J’ai essayé d’incliner ma tête, mais ma tête ne voulait pas bouger. Alors j’ai fait sortir la transpiration avec mes paupières. J’ai pressé mes yeux un peu, mais je voyais déjà flou. J’ai continué à serrer mes paupières. Ça marchait un peu, et puis, tout d’un coup, j’ai soupiré, comme un soupir de soulagement, et je savais qu’il s’était passé quelque chose.

CHAPITRE QUATRE – LE ‘NOTRE PERE’

Notre Père, qui es aux cieux!
Que ton nom soit sanctifié;
Que ton règne vienne;
Que ta volonté soit faite
Sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien;
Pardonne-nous nos offenses,
Comme nous aussi nous pardonnons
A ceux qui nous ont offensés;
Ne nous induis pas en tentation,
Mais délivre-nous du malin.
Car c’est à toi qu’appartiennent,
Dans tous les siècles,
Le règne, la puissance
Et la gloire. Amen!
(Matthieu 6:9-13, Louis Segond)

Nous nous trouvions à mi-chemin vers l’hôpital, et la Renault était en train de monter une côte. Mes pieds se levaient dans l’air et le poison dans mon sang commençait à se précipiter directement à mon cerveau. J’ai commencé à voir l’image d’un petit garçon aux cheveux blancs, blancs comme la neige, et puis j’ai vu un autre « clip » d’un garçon plus âgé aux mêmes cheveux. J’étais en train de regarder cette image en pensant : « Wow, il a les cheveux blancs », et tout d’un coup je me suis rendu compte que c’était moi-même que je regardais et que j’étais en train de voir ma vie passer devant moi. C’était une expérience effrayante, de regarder des images de ma propre vie passer devant mes yeux comme dans une vidéo, aussi claires comme le cristal, et moi-même aux yeux tout ouverts. En regardant, j’ai pensé : « J’ai entendu parler de ceci avant, et j’ai même lu à ce sujet. Les gens disent que juste avant la mort ils voient leur vie passer devant eux.» Je me suis dit : « Je suis trop jeune pour mourir. Pourquoi suis-je allé faire de la plongée? Quel idiot. J’aurai dû rester chez moi. » Mes pensées s’agitaient ainsi dans ma tête.

Maintenant je savais que je devais confronter une mort imminente. Je n’entendais plus guère les battements de mon cœur et je me demandais, couché là, ce qui allait se passer si je mourrais.

Puis j’ai eu une vision claire de ma mère. C’était comme si elle prononçait ces mots qu’elle avait dits il y avait si longtemps : « Ian, peu importe combien tu t’es éloigné de Dieu, peu importe ce que tu as fait de mal, si tu cries à Dieu de ton cœur, il t’entendra et il te pardonnera. » Dans mon cœur je pensais : « Est-ce que je crois que Dieu existe? Est-ce que je vais prier? » J’étais devenu presque un athée dévoué. Je ne croyais en personne. Pourtant, j’étais confronté par cette vision de ma mère. J’ai parlé avec ma mère plus tard, quand j’étais de retour en Nouvelle Zélande. Elle a dit qu’elle avait été réveillée très tôt le matin du même jour. Dieu lui avait montré mes yeux injectés de sang et lui avait dit : « Ian, ton fils aîné, est sur le point de mourir. Prie pour lui maintenant. » Alors, elle avait commencé à prier pour moi.

Mère d’Ian

Bien sûr ses prières ne pouvaient pas sauver mon âme, et elle ne savait pas m’amener au ciel, mais je savais à ce moment-là que j’avais besoin de prier. Ce que je ne savais pas, c’était ce qu’il fallait prier et à qui. A quel dieu devais-je prier? A Buddha, à Kali, à Shiva? Il y a des milliers de dieux. Pourtant je ne voyais ni Buddha, ni Krishna, ni aucun autre dieu ni homme devant moi. Je ne voyais que ma mère, et ma mère suivait Jésus-Christ. J’ai pensé : « Ça fait des années que je n’ai plus prié. Qu’est-ce que je vais prier ? Qu’est-ce qu’on prie à ce point-là ? Quelle est la prière de quelqu’un qui va mourir ? »

Puis je me suis souvenu que quand j’étais enfant, ma mère nous avait enseigné le ‘Notre Père’.

« Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel… ». Je la connaissais quand j’étais enfant – je m’étais battu contre mon frère et ma soeur pour la réciter le plus vite chaque nuit! Alors j’ai décidé que c’était ça qu’il fallait prier, puisque c’était la seule prière que je connaissais. J’ai commencé à la prier, mais je ne pouvais pas me la rappeler. C’était comme si le poison qui s’était précipité à ma tête avait presque arrêté ma capacité de réfléchir. Il était en train d’éteindre ma pensée. C’était terrifiant. Je m’étais tellement appuyé sur ma pensée et mon intellect, et maintenant ils me lâchaient. Trou de mémoire total.

Couché là, je pouvais me rappeler que ma mère a dit qu’on ne prie pas de la tête, mais du cœur.

Alors j’ai dit : « Dieu, je ne sais pas où se trouve cette prière, mais je veux la prier. Aide-moi. ».

Quand j’ai dit cela, cette prière est littéralement venue de mon homme intérieur, de mon esprit. J’ai prié : «Pardonne-nous nos péchés. ». Puis j’ai continue : « Dieu, je te demande de me pardonner mes péchés, mais j’ai fait tellement de mauvaises choses. Je sais qu’elles sont mauvaises. Ma conscience me dit qu’elles sont mauvaises. Si tu peux me pardonner tous mes péchés, et je ne sais pas comment tu peux le faire – je n’ai aucune idée de comment tu peux les pardonner – s’il te plaît, pardonne-moi mes péchés. » Et je le disais réellement de tout mon coeur. J’avais réellement envie de pleurer et faire sortir tout ce qui était mauvais en moi. « Dieu, pardonne-moi. »

Quand j’ai prié cela, j’ai reçu une autre partie de la prière. « Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé. » J’ai compris que cela voulait dire que je devais pardonner à ceux qui m’avaient blessé. Je me suis dit : « Ben, moi, je n’en veux à personne. Il y a un tas de gens qui m’ont arnaqué et qui m’ont poignardé dans le dos et qui ont dit du mal de moi et qui ont fait des choses dégueulasses contre moi – je leur pardonne. » Puis j’ai entendu la voix de Dieu dire : « Pardonneras-tu aussi à l’Indien qui t’a éjecté de la voiture et aux Chinois qui ne voulaient pas t’amener à l’hôpital? » J’ai fait : « Hmm, moi, j’avais d’autres plans pour eux, si je sors d’ici. » Mais la prière s’est arrêtée là, et je ne pouvais pas continuer. Alors j’ai pensé : « OK, je leur pardonnerai. Si toi, tu peux me pardonner, moi, je peux leur pardonner. Je leur pardonne. »

La prochaine partie de la prière m’est venue : « Que ta volonté soit faite. » J’avais fait des choses à ma propre manière ces 20 dernières années. J’ai dit : « Dieu, si je sors d’ici, je ne sais même pas ce que c’est, ta volonté – je n’ai aucune idée de ce qu’est, ta volonté – je sais que c’est de ne pas faire des choses méchantes, mais je n’ai aucune idée de ce que c’est, ta volonté. Si je parviens à sortir de tout ceci, je découvrirai ta volonté pour ma vie et je la ferai. Je m’efforcerai de te suivre de tout mon cœur si j’arrive à sortir de tout ceci. »

Je ne le comprenais pas en ce moment là, mais c’était ma prière pour le salut, pas de ma tête, mais de mon cœur, en demandant : « Dieu, pardonne-moi de mon iniquité et de ma méchanceté. Dieu, purifie-moi. Je pardonne à tous ceux qui m’ont blessé. Et Jésus-Christ, je ferai ta volonté, que ta volonté soit faite. Je te suivrai. » Je venais de prier la prière des pécheurs, la prière de repentance envers Dieu.

Une paix incroyable est venue submerger mon cœur pendant la prière. Il semblait que la peur m’avait quitté, la peur de ce qui allait arriver ensuite. J’étais toujours en train de mourir, je le avais, mais j’étais en paix par rapport à ça. J’avais fait la paix avec mon Créateur et je le savais. Je savais que pour la première fois j’avais touché Dieu et que j’étais en train de l’entendre pour du vrai. Je ne l’avais jamais entendu auparavant, mais maintenant je pouvais l’entendre me parler. Personne d’autre n’aurait pu me dire le ‘Notre Père‘.

CHAPITRE TROIS: LE TEST D’ENDURANCE

Quand mon esprit est abattu au dedans de moi, Toi, tu connais mon sentier. Sur la route où je marche Ils m’ont tendu un piège. Jette les yeux à droite, et regarde! Personne ne me reconnaît, Tout refuge est perdu pour moi, Nul ne prend souci de mon âme.
Psaume 142:4,5 (en anglais, 142:3,4) (Louis Segond
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Assis là, écrasé par la fatigue, je me suis couché sur l’asphalte et je promenais mes yeux sur les étoiles. J’étais sur le point de les fermer et de m’endormir quand j’ai entendu une voix claire qui me disait : « Ian, si tu fermes tes yeux, tu ne te réveilleras plus ». Je me suis secoué pour lever la sensation de sommeil et j’ai pensé : « Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Qu’est-ce que je fais ? Je ne peux pas m’endormir ici. Je dois aller à l’hôpital. J’ai besoin d’anti-toxines, et j’ai besoin d’aide. Si je m’endors ici, je ne me réveillerai peut-être jamais. »
Alors, j’ai essayé de me mettre debout. J’étais capable de descendre la rue lentement en boitant, et j’ai trouvé deux voitures près d’un restaurant, que je ne connaissais pas. En m’approchant des voitures, j’ai supplié les chauffeurs de me conduire à l’hôpital. Les hommes dans les voitures me regardaient et disaient : « Combien d’argent tu nous donnes ? » Si vous avez vécu en Asie, vous savez que ça, c’est normal. T’as de l’argent, t’y vas. T’en as pas, tu vas nulle part. Alors j’ai dit : « Je n’ai pas d’argent », en parlant à moi-même à haute voix. Et puis je me suis rendu compte de la gaffe que je venais de faire. Je n’aurais jamais dû dire cela. J’aurais pu mentir, mais je ne l’ai pas fait, j’ai simplement dit la vérité. Je n’ai pas d’argent. Et les trois chauffeurs ont simplement ri. «Toi, t’es ivre. Toi, t’es fou. » Il se sont retournés, et en allumant leurs cigarettes, et ils ont fait comme s’ils voulaient partir.

La station-service où Ian a mendié pour sa vie

Puis, j’ai entendu une voix claire de nouveau : « Ian, es-tu prêt à mendier pour ta vie ? ». Bien sûr que oui ! Et je sais même comment le faire. J’avais vécu assez de temps en Afrique du Sud. J’avais vu les noirs mettre leurs mains en coupe et dire aux blancs : « Yes’m boss, yes’m marsta ». (« Oui, p’tron, oui, m’sieur »). Je les avais vus, et c’était très facile pour moi de m’agenouiller, parce que ma jambe droite était déjà partie, et ma jambe gauche vacillait beaucoup.

Penché contre la voiture, je glissais sur mes genoux, et j’ai mis mes mains en coupe. En penchant ma tête pour ne pas les regarder, j’ai supplié pour ma vie. J’étais sur le point de pleurer, parce que je savais que si je ne parvenais pas à arriver à l’hôpital bientôt, je n’allais nulle part. Si ces types-là n’avaient pas de compassion ni d’amour dans leur cœur pour moi, et pas de miséricorde envers moi, j’allais mourir là devant leurs yeux.

Alors, je les ai implorés et suppliés pour ma vie. La tête penchée, j’ai regardé leurs pieds. Deux d’eux sont simplement partis, mais je voyais un jeune homme qui bougeait ses pieds d’une manière irrésolue. Il me semblait que cela durait une éternité, puis il s’est avancé vers moi et m’a relevé. Il n’a pas parlé, mais il m’a aidé, en me mettant dans la voiture. Puis il a démarré. A michemin vers l’hôpital, il a changé d’avis. Il m’a demandé : «Toi blanc, t’habites quel hôtel ? ». J’ai répondu que je n’habitais pas un hôtel, mais un bungalow à la Baie de Tamarin. Il pensait que je lui avais menti et il était fâché, en croyant qu’il n’allait pas recevoir de l’argent de moi après tout. « Comment moi, je vais recevoir mon argent ? » a-t-il rétorqué. J’ai répondu : « Je te donnerai tout l’argent que j’ai ! » Quand ta vie est en jeu, l’argent n’a plus de sens. J’ai continué : « Je te donnerai tout l’argent que tu veux, si tu peux m’amener à l’hôpital. Je te le donnerai tout. » Mais il ne me croyait pas.

Il a changé d’avis et m’a amené à un grand hôtel touristique. « Je te dépose ici, je ne te prendrai pas », a-t-il dit. « Non ! » je l’ai imploré. « S’il te plait, je suis en train de mourir ». Il s’est penché vers moi, a défait la ceinture de sécurité et ouvrant la porte, il a grogné : Sors d’ici! » J’ai répondu : « Je ne peux pas, je ne sais pas bouger ». Et il m’a sorti brutalement de la voiture.

Mes jambes étaient coincées dans le seuil de la portière. Il les a élevées et jetées dehors, et en claquant la porte, il a redémarré pour partir. J’étais là par terre, en pensant : « Ce monde pue. J’ai vu la mort, la haine, la violence ; ici, c’est l’enfer. Cet endroit, c’est l’enfer sur la terre. Nous vivons dans un monde plein de crasse, un monde malade. » J’étais là sur le sol, et je voulais tout abandonner. J’ai pensé : « A quoi la peine même d’essayer d’arriver à l’hôpital ? Si c’est ton tour, laisse tomber, et meurs. »

Et puis le souvenir de mon grand-père m’est venu à l’esprit. Il était passé par la Première et la Deuxième Guerre Mondiales. Il avait été à Gallipoli et il avait combattu en Egypte contre Rommel.
En me souvenant de cela, j’ai pensé comment mon papi avait survécu deux guerres mondiales et voici son petit-fils qui allait tout abandonner à cause de cinq méduses misérables qui l’avait piqué ! Alors je me suis dit «Je continuerai jusqu’à mon dernier souffle. N’abandonne pas encore, Ian! »

En utilisant mon seul bras qui fonctionnait, j’ai essayé de m’entraîner vers l’entrée de l’hôtel. Je voyais qu’il y avait de la lumière. A mon étonnement, les gardes de sécurité faisaient leur tour et ils ont dirigé les faisceaux de leurs torches directement vers l’endroit où j’étais, rampant par terre.

Un des hommes s’est précipité vers moi. En le regardant, je l’ai reconnu comme un de mes potes avec qui je me soûlais régulièrement. C’était un grand type noir nommé Daniel, un grand homme vraiment adorable. En courant vers moi il m’a demandé : «Qu’est-ce que t’as ? T’es ivre ? T’as shooté ? Mais qu’est-ce qu’y a? ». J’ai élevé mon sweat-shirt pour lui montrer mon bras et il voyait toutes les boursouflures et les gonflements. Il m’a pris dans ses bras et s’est mis à courir.

C’était comme si un énorme ange venait de me relever. Il est entré dans l’hôtel en passant la piscine et m’a laissé tomber dans un siège canné. A peu près trois mètres plus loin, les propriétaires chinois de l’hôtel étaient en train de jouer au mah-jong et de boire. Tous les touristes étaient au lit, le bar était fermé et eux, ils jouaient.

Ian et Daniel devant l’hôtel en 1994

Daniel m’a déposé là et puis il est disparu dans l’obscurité de nouveau. Je me demandais où il était parti, et puis j’ai réalisé qu’un noir ne pouvait pas parler à un chinois dans ce pays, sauf si on lui parlait le premier. J’allais devoir essayer de communiquer avec ces chinois moi-même. Alors j’ai enroulé ma manche pour leur montrer mon membre gonflé, couvert de cloques. J’ai dit : « J’ai besoin d’aller tout de suite au ‘Clinique de Quatre Bornes’. J’ai été piqué par cinq méduses. » J’ai même utilisé quelques expressions chinoises. Ils ont ri. Un des jeunes hommes s’est levé pour dire : « Oh, garçon blanc, héroïne pas bon pour toi. Seulement vieux messieurs prennent Opium » Il pensait que j’étais sous les effets de la drogue parce que je lui avais montré mon bras, dont les lésions ressemblaient à des injections, vu à distance. J’étais en train de devenir à la fois furieux et frustré par tout cela. Je restais là, dans le fauteuil, en essayant de garder le calme, sachant que si je m’énervais trop le poison coulerait plus rapidement.

Mais tout mon corps, chaque muscle, a commencé à se crisper et à se contracter. Je quittais mon siège littéralement avec chaque contraction quand le poison était en train de réagir avec mes muscles. Les chinois ont couru vers moi, et trois hommes ont essayé de me maintenir en place. Ils ne pouvaient pas me tenir. Je les repoussais chaque fois.

Une fois sorti de ce tremblement incroyable, une froideur mortelle s’est mise à envahir ma moelle épinière. Je voyais littéralement une obscurité envahir la partie intérieure de mes os. C’était comme si la mort me submergeait. J’avais incroyablement froid. Les hommes ont commencé à me couvrir de couvertures pour que je garder la chaleur. J’essayais toujours de garder tout ensemble, et je leur demandais : « Amenez-moi à l’hôpital, s’il vous plaît. » Un homme a mis sa main sur mon épaule, en disant : « Non, nous attendons l’ambulance, garçon blanc.» Alors je suis resté là, en train de me dire : « Je crois que je ne vais jamais y arriver. » Sur le coup, l’ambulance était là, et Daniel est apparu de quelque part avec un autre garde de sécurité. Ils m’ont pris dans leurs bras et nous sommes parti. A ce moment-là j’ai réalisé qu’il était allé directement au standard téléphonique pour appeler l’hôpital lui-même.

L’hôtel de la Baie de Tamarin

Alors l’ambulance est arrivée, ses sirènes criant et ses phares balayant le parking. Après avoir fait un demi-tour devant l’hôtel, elle est repartie. Le chauffeur de l’ambulance était d’un hôpital pour les noirs et donc, quand il n’a vu personne à prendre devant l’hôtel chinois, il avait pensé évidemment qu’il s’était trompé des instructions.

Ainsi j’étais là, à mi-chemin vers les portes de l’hôtel, et je voyais l’ambulance disparaître dans le virant. J’ai essayé de siffler, mais ma bouche était tellement desséchée que je ne pouvais pas sortir un son. Daniel a vu ce que j’essayais de faire, et il a sifflé aussi fort qu’il le pouvait. Le sifflement a ricoché sur le mur et a continué à descendre la route. Le chauffeur de l’ambulance a dû avoir sa fenêtre ouverte, parce qu’il a freiné et puis il est revenu en arrière. L’ambulance était une vieille Renault 4 dont on avait enlevé le siège de devant pour le remplacer par un brancard. Voilà, les amis, ça, c’est l’ambulance ! Quant à moi, je n’avais aucun souci pour la façon dont j’allais y arriver. Le chauffeur n’est même pas descendu de l’ambulance. Il s’est penché vers nous, en ouvrant la porte, et Daniel m’a laissé tomber sur la civière. Pas de « Comment va ta mère ? Comment vas-tu ? Tu veux une couverture? Qu’est-ce que tu as? » Il n’était que le chauffeur. En partant, j’essayais tout le temps de ne pas fermer les yeux, sachant que je devais rester éveillé jusqu’à ce qu’on me donne des anti-toxines. Si je pouvais seulement rester en vie jusqu’à l’hôpital. … . .